L'économiste Jacques SAPIR

 JACQUES SAPIR est Directeur d'Études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales. Il y dirige le Centre d'Études des Modes d'Industrialisation (CEMI-EHESS) et assure la fonction de responsable de la formation doctorale Recherches Comparatives sur le Développement de l'EHESS.

Après avoir commencé sa carrière comme professeur de Lycée (1978-1982), il a enseigné l'économie à l'Université de Paris-X Nanterre de 1982 à 1990 avant d'entrer à l'EHESS en 1990, où il est devenu Directeur d'Études en 1996. Il a aussi délivré des enseignements à l'ENSAE de 1989 à 1996, à l'ENS-Cachan ainsi qu'en Russie au Haut Collège d'Économie (1993-2000) et aux États-Unis.

Diplômé de l'institut d'Études Politiques de Paris en 1976 (avec félicitations du jury), JACQUES SAPIR a soutenu sa thèse de 3ème cycle à l'EHESS en 1980 et obtenu son doctorat d'État es Sciences Économiques à l'Université de Paris-X Nanterre en 1986. Il est devenu spécialiste des problèmes de la Russie et de l'URSS après avoir enseigné la macroéconomie et l'économie monétaire. Ses travaux en économie se sont alors progressivement développés sur trois axes: l'économie soviétique et de la Russie post-soviétique, les dimensions macroéconomiques et financières du changement systémique et de la transition, les nouvelles perspectives de la théorie économique et de la méthodologie de l'économie comme science sociale.

Ses premières recherches ont porté sur l'économie soviétique, ses fondements, son développement, et ses dynamiques contemporaines. Les domaines couverts ont porté de l'organisation du travail dans le monde industriel soviétique dans les années 20 et 30 (Travail et travailleurs en URSS, La Découverte, Collection Repères, Paris, 1ère édition 1984) aux dynamiques de l'investissement (Les fluctuations économiques en URSS - 1941-1985, Éditions de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris, 1989), en passant par l'histoire de la mobilisation industrielle sociétique durant la seconde guerre mondiale (voir «Le système économique stalinien face à la guerre», Les Annales ESC, n° 2, 1989, pp. 273-297, et "The economics of War in Soviet Union in World War II", in I. Kershaw et M. Lewin, (eds.), Stalinism and Nazism - Dictatorships in Comparison, Cambridge University Press, Cambridge, 1997).

Les recherches ont été orientées ensuite vers les problèmes de la transition, avec en particulier un accent sur les problèmes monétaires et financiers, la reconversion des industries de défense et les dynamiques de développement régional. À ce titre, depuis 1991, il co-anime avec l'académicien V. Ivanter le séminaire Franco-Russe sur les problèmes monétaires et financiers de la transition en Russie. Ce séminaire, qui se tient deux fois par an en France et en Russie, réunit des universitaires et chercheurs des deux pays ainsi que des membres des administrations (Ministère des Finances et Banque Centrale). Les travaux menés dans le cadre du séminaire ont donné naissance à des recherches spécifiques sur les problèmes bancaires et les pathologies financières de la transition en Russie (Le Krach russe, La Découverte, Paris, 1998).

Les recherches les plus récentes ont porté sur les problèmes de l'énergie dans le cadre du développement économique russe. À ce titre, il a participé à l'organisation du séminaire inter-gouvernemental Franco-Russe sur l'efficacité énergétique qui s'est tenu à Moscou les 13 et 14 décembre 2004.

Le travail sur l'économie soviétique puis russe s'est accompagné de recherches portant sur des éléments spécifiques de la théorie économique. Depuis les années 90, ont été ainsi développés des travaux portant sur le rôle des institutions, la formation des règles et leur mise en cohérence dans le cadre des économies décentralisées qui participent d'une démarche menée au sein de l'Ecole Française de la Régulation. Ces travaux, qui ont pris comme point d'appui une réflexion sur la monnaie et sur les processus de temporalisation (Les trous noirs de la science économique - Essai sur l'impossibilité de penser le temps et l'argent, Albin Michel, Paris, 2000), ont conduit à des recherches spécifiques sur la définition de ce que pourrait être une microéconomie non liée à l'individualisme méthodologique et aux bases psychologiques et cognitives d'une théorie institutionnaliste, en se référant aux travaux de psychologie expérimentale. A travers l'analyse des limitations cognitives des individus et des implications de l'incertitude, ces travaux ont amené à une relecture de la théorie spontanée du droit tenue par les économistes,ainsi qu'à une réflexion sur l'importance et les limites de la notion de Constitution appliquée à l'économie (Les économistes contre la démocratie, Albin Michel, Paris, 2002).

Cette démarche a débouché sur des recherches particulières concernant la méthodologie et l'épistémologie de l'économie au sein des sciences sociales, dans le cadre d'une réévaluation de la notion de réalisme face aux démarches axiomatiques (voir "Realism vs Axiomatics" in E. Fullbrook (ed.), The Crisis in economics, Routledge, Londres et New York, 2003). Dans ce cadre et à ce titre, il participe depuis la fin de 2000 au mouvement international pour le renouveau des sciences économiques dans le cadre du réseau Post-Autistic Economics dont il est un contributeur régulier de la revue électronique.

Par ailleurs, et en parallèle aux recherches menées spécifiquement sur l'économie, JACQUES SAPIR a travaillé depuis 1982 sur les problèmes stratégiques ainsi que dimensions économiques et doctrinales des forces armées soviétiques puis russes (Le système militaire soviétique, La Découverte, Paris, 1988). Les recherches en ce domaine ont été consacrées aux interactions entre les représentations doctrinales, les contraintes matérielles et les pratiques. Elles se sont appuyées sur l'analyse des opérations militaires des années trente aux années quatre-vingt. Elles ont conduit à une réflexion spécifique sur les notions de «style opératoire» et d'Art de la Guerre (La Mandchourie Oubliée - Grandeur et démesure de l'Art de la Guerre soviétique, Éditions du Rocher, mai 1996). Ces travaux l'ont amené à des recherches sur les modes de production et de diffusion des informations et le rôle des modes de représentation explicités et codifiés connus sous le nom de "doctrine" dans les processus de décision sous incertitude. Le recours à l'histoire militaire a permis de mettre en perspective les débats actuels sur l'économie cognitive en montrant l'existence de paradigmes communs dans la décision stratégique, que cette dernière soit directement militaire, politique, ou économique.

Les travaux menés depuis les années 80 ont donné naissance à de nombreux livres (dont plusieurs manuels universitaires en français et en russe) et ont valu à JACQUES SAPIR plusieurs prix scientifiques (Prix Castex du livre stratégique en 1989, Prix Turgot du livre en économie financière en 2001). Ses compétences l'ont amené à intervenir comme consultant pour des administrations françaises, des entreprises et des organisations internationales. Il a été évaluateur dans le cadre du programme PHARE (1993 et 1994) et conseiller scientifique du programme TACIS-UEPLAC concernant l'Ukraine de 1999 à 2001 et Expert de Référence (key expert) pour le programme TACIS-RECEP depuis 2004. Il a aussi été expert pour le Groupe de Travail sur la sécurité financière, auprès de la Banque Centrale de Russie. Il a participé comme expert au groupe de travail près le Gouvernement de la Fédération de Russie sur la réforme de la législation des ressources naturelles en 2003/2004.

JACQUES SAPIR est actuellement membre des comités de rédaction de la Revue d'Études  Comparatives Est-Ouest, et de la revue Géographie, économie et société. Il participe activement à la rédaction du Tableau de Bord de l'Europe Orientale, publication annuelle initiée en 1992 par le Ministère du Commerce Extérieur et actuellement publiée dans le cadre du Centre d'Études des Relations Internationales. Il est aussi un contributeur régulier de la Revue de l'Institut de Prévision de l'Économie Nationale de l'Académie des Sciences de Russie, Problemy Prognozirovanija.

Par ailleurs, JACQUES SAPIR est «contributing editor» de la revue World Oil.